Après 2 saisons et près de 7000 milles, il nous a semblé intéressant de faire un premier bilan de notre Boréal 47.
Les choix de notre voilier et de son équipement ont été longuement réfléchis. Un savant mélange de plus de 40 années de navigation et de lectures ! (... 50 ans pour J Mi; il collectionne les exemplaires de la revue "bateaux" depuis le n°1 !)
Alors, "Sir-Ernst" correspond t-il à nos attentes ?
Comportement marin :
Nous avons rencontré la plupart des conditions qu'un voilier naviguant en côtière ou semi-hauturière peut être amené à vivre sous nos latitudes.
Beaucoup de pétole ( la remontée des Scilly à l'île d'Islay en Ecosse durant notre croisière de neuvage s'est déroulée au moteur !), du portant "en veux-tu , en voilà" ! (vive la retraite pour choisir ses créneaux), et quelques coups de vent (jusqu'à 47 noeuds) ont été notre lot durant ces 2 saisons qui nous ont fait sillonner de magnifiques zones de navigation.
"Sir-Ernst" s'est toujours remarquablement comporté.
Au moteur:
Le volvo 75 hp avec son turbo propulse le voilier à 7,8 nds avec 2200 tours d'affichés. Au delà de 2000 tours/mn la courbe de consommation commence à augmenter jusqu'à passer les 5 litres/heure. Le meilleur compromis semble se situer vers 1750 tours/mn, la vitesse est alors de plus de 7 nds.
On se trouve confronté à l'éternel dilemme; faut-il respecter les recommandations des spécialistes et faire tourner le moteur proche de la limite de sa puissance maximum au détriment de sa consommation mais en privilégiant sa durée de vie, ou bien optimiser la rapport puissance/consommation ?
Il nous reste à faire des relevés précis en augmentant la puissance régulièrement de 200 tours et en notant l'augmentation de vitesse induite ainsi que la courbe de consommation. ce sera fait dès nos croisières en Norvège.
Nous avions choisi une hélice Bruntons "Autoprop" qui ajuste automatiquement son pas en fonction de la vitesse, réduisant ainsi la consommation. Aucune critique à formuler ! le couple puissance du moteur/ hélice n'a jamais été pris en défaut lors de manoeuvres de port même si, une fois ou deux, un petit coup de propulseur aurait été bien confortable. Mais nous n'avons jamais eu à regretter d'avoir fait l'impasse sur cet investissement. L'hélice réagit très bien lors des inversions avant/arrière.
A la voile:
"Sir-Ernst" est un dériveur. Et même en déployant tout notre savoir faire !!! difficile d'avancer si on fait un cap trop serré. Le résultat est sans appel, et impossible de faire mieux que 100° d'un bord sur l'autre. Peut être même que cela flirte avec les 110°, mais je ne peux pas l'écrire, ça fait trop mal au moral ...
Venant du monde de la régate, il a fallu s'y faire, mais il y a de bonnes surprises concernant les des performances du bateau. Dès que l'on ouvre les voiles le Boréal avance vite, et réalise de magnifiques moyennes. Sa vitesse critique doit avoisiner les 8,30 nds.
Nous finaliserons la saison prochaine un tableau avec nos polaires que nous mettrons en ligne, mais d'ors et déjà certaines moyennes nous ont "bluffées". Plus de 8 nds, sur 230 milles entre Stornoway et les Shetland par 30 nds moyen au largue/grand largue.
Au près et en charge , il faut attendre 8nds de vent apparent pour que l'on franchisse la barre des 3 nds en surface. A 15 nds c'est top, et on commence à rouler le génois lorsque l'anémomètre atteint les 20 nds. Dès 22/23 nds, un ris soulage le voilier bien calé sur son bouchain.
Attention, le Boréal est un voilier très raide à la toile, et on a tendance à naviguer trop longtemps avec "tout dessus". Il a fallu accumuler des milles avant de bien maitriser le réglage des voiles et comme de bien entendu, s'apercevoir que cela marchait aussi bien en arisant de bonne heure !
A plus de 25/27 nds, on passe sous 2 ris avec 4 à 5 tours dans le génois. Sous 30 nds, on passe à la trinquette. Nous avons pu apprécier le bateau sous 3 ris/trinquette avec plus de 37 nds, rafales à 45 ! Aucun problème pour louvoyer au vent d'une côte.
A la barre, ce n' pas facile pour un débutant qui a tendance à trouver le bateau "lourd", surtout par petit temps, le pilote hydraulique ne doit pas être innocent !
Au portant, c'est manifestement là que le Boréal s'exprime le mieux. Le plan de voilure est bien équilibré jusqu'au largue. Sur "Sir-Ernst" nous avons choisi un gennaker, dès le bon plein, c'est un régal. Au travers et au largue, le speedo se maintient vite au dessus des 6 nds et flirte avec les 7,5 nds au dessus des 15 nds apparents.
Mais à partit de 18/20 nds, il faut vite rouler la toile, à plus de 22nds , ce devient très difficile. Et on repasse confortablement sous génois. Nous avons également choisi l'option spi symétrique. Un régal de manoeuvrer avec la chaussette. mais la voile est grande, il est impératif de l'avoir affalée avant les 22 nds.
Pour la simple raison qu'il est alors difficile de tenir le voilier à la barre, que l'on soit bon barreur ou bien que l'on laisse le soin de barrer au pilote NKE. La raison tient au peu de surface mouillée du safran, le barreur ou le pilote réagisse convenablement, mais l'action du safran s'avère limitée, et quelques départs au lof peuvent se produire.
Le choix architectural de JF Delvoye de limiter la profondeur du safran qui reste au dessus de la ligne du puits de dérive est très respectable. Sur les Ovnis, la partie inférieure du safran pivote, augmentant ainsi la surface mouillée tout en permettant d'être relevée lors d'échouage. Mais ce système présente des risques en cas de contact avec le fond,
même si un fusible existe et permet le relevage du safran si besoin. Néanmoins, sur "Sir-Ernst", on est prévenu et on affale la "bête" dès 20 nds, ce qui est une sécurité et laisse de la marge...
L'utilisation des 2 dérives latérales arrières devient vite intuitive; on prend un malin plaisir à régler correctement les voiles pour rechercher le meilleur équilibre puis enclencher le pilote automatique.
Le Boréal 47 dégage une impression de confort et de sécurité sous voile. Les performances, surtout dès le bon plein, sont très intéressantes. C'est régulier, sur et confortable, exactement ce que l'on demande à un voilier de voyage.
Le gréement:
Le Boréal a un gréement dans l'axe, classique. Nous n'avons même pas repris les tensions initiales. Nous le ferons cependant cet hiver pour le pataras. Un vérin faciliterait le réglage. Au portant, la GV vient s'appuyer sur les bas haubans arrières . Nous avons fait poser des renforts sur les goussets de lattes à hauteur des barres de flèche pour protéger celles ci qui avaient tendance à ne pas aimer ce raguage. On évite de trop choquer, mais alors le rendement est moins optimisé. Aucun problème avec les enrouleurs, nous reprendrons juste l'étarquage de celui de la trinquette; avec les bastaques "blindées", la tension de l'étai semble un peu lâche.
Les winchs du mât sont un peu justes et mériteraient dans l'absolu une taille supérieure. Par contre, quel confort de hisser la GV avec le guindeau judicieusement positionné en pied de mât.
Difficile de trouver un passage optimisé pour les bouts de la retenue de bôme Walder. Après pas mal de tâtonnements on va optimiser notre installation que l'on présentera en ligne. Quel "casse-tête" pour trouver la bonne tension avec un retour des bouts très en arrière. impossible de faire autrement à cause du roof.
Mais lorque tout est OK, quel confort et quelle sécurité !
L'équipement:
Les voiles:
Sorties des ateliers Elvstrôm, elles sont comme neuves après 2 saisons. Notre choix s'était porté sur du tissu Hydranet. Christophe Artaud a bien pris en compte nos besoins, et nous ne pouvons que nous féliciter de cette option. A la fin de la première saison, la grand-voile et le génois sont partis en révision pour quelques détails comme la pose de renforts de goussets de lattes.
Cette année, c'est au tour du Lazy-bag de subir un léger lifting. RAS du côté des voiles de portant.
Gréement courant:
Nous disposons de 2 drisses de spi et gennaker en dyneema, ce qui nous a permis de gagner un diamètre tout en gardant la même résistance. Idem pour la balancine, le hale-bas de spi, les écoutes et bras. Le gain de poids en tête de mât est considérable.
Le maximum de manilles a été échangé par des loops ou manilles textiles, également en dyneema, fabrication maison !
Le mouillage :
Nous disposons de 100 mètres de chaîne en 12 mm. Celle ci est entièrement rincée en fin de saison. Le guindeau et la baille de mouillage font l'objet d'un check up complet, RAS de ce côté là. Le bateau n'a jamais eu aucun problème de tenue, bravo à notre ancre "Manson".
Nous disposons d'une ancre "Spade" de secours" et une ancre Danforth légère à l'arrière. Toutes deux non encore testées.
Les Winchs :
Nous ne regrettons pas d' avoir changé les 4 winchs de cockpit pour une taille supérieure, . Ceux livrés par le chantier sont à la limite de la plage d'utilisation. Une taille supérieure pour le winch de grand-voile ne serait pas non plus superflue.
Peinture et antidérapant :
Mention spéciale de satisfaction pour le chantier qui nous a repris des cloques de peinture le long du rail de trinquette et a souhaité refaire toute la plage avant afin que l'antifdérapant reste homogène, ceci à la fin de la première saison . Cet antidérapant est très efficace et ne s'est pas dégradé.
Très bonne tenue de la peinture des oeuvres mortes.
L'Electricité :
Nous avons un parc de 5 batteries de 510 Ah au gel pour les servitudes et une batterie en spirale agm de 70 Ah pour le démarrage. Cela reste correctement dimensionné, mais l'hydrogénérateur Watt and Sea est indispensable sous pilote automatique au delà de plus de 24 heures de navigation, surtout avec le mode "vent réel" gros consommateur.
Le chargeur:convertisseur Mastervolt est un régal, quel confort de disposer à la demande de 220 volts. Nos sources de production électrique, ainsi que la capacité de notre parc de batteries suffisent à nos besoins. L'alarme du moniteur "Philippi" nous a joué 2 fois une petite surprise ! mauvaise programmation ?
La croisière de neuvage avait révélé que l'éolienne et l'hydrogénérateur avait été mal branchés, Dès le retour au chantier ces anomalies étaient réparées.
L'éolienne "Superwind" est vraiment silencieuse, elle ne produit qu'à partir de 10/11 nds de vent et il faut attendre les 20 nds pour que le production affiche 10 Ah. Nous avons parcouru les derniers 1000 milles de notre virée écossaise en ayant recours seulement à notre éolienne.
Le pilote ayant fonctionné tout le temps. comme indiqué ci dessus, ce n'est seulement qu'au delà de 24 h de nav, avec l'option vent réel enclenchée, que la production ne suffisait plus à étaler tout nos besoins.
Le "Watt and Sea" a passé les mois d'été dans la soute à voile ! cela nous paraissait plus sage de ne pas l'exposer inutilement surtout lors de nos 4 A/R dans le canal calédonien.
Les leds mantagua ne semblent pas présenter une durée de vie égale aux caractéristiques annoncées, nous en prendrons un stock d'avance pour les prochaines saisons. La réalisation du tableau électrique est très propre. L'ensemble panneau des contacts et moniteur est simple et fonctionnel.
Tout se gère et se contrôle facilement et efficacement.
L'Electronique:
Visiblement nous ne nous sommes pas trompés sur les équipements installés
La centrale de navigation NKE est interfacée avec le PC sur lequel le logiciel de navigation "Scannav" est installé. Quelquefois, le signal GPS est perdu et il faut relancer l'ordi. Embêtant dans les zones malpavées ! Heureusement, on double toujours, soit avec nos IPAD et "INAVX" , soit avec le plotter "Garmin" qui trône en côtière sur la console de barre.
Quelques remarques sur le système "NKE". Est ce opportun d'installer un tel système sur un bateau de voyage ? Pour nous, aucun doute ! L'expérience de la course au large a a permis de concevoir des instruments vraiment adaptés à la navigation.
Le pilote automatique est réellement très efficace, c'est un plaisir de voir le bateau ne pas dévier de plus de 2° par mer formée au portant avec de la brise. Cependant, on peut regretter le manque de renseignements qui faciliterait les réglages pour utiliser de façon optimum ce remarquable pilote automatique.
Il faut vraiment se pencher sur la question, faire de nombreux essais qu'on aimeraient mieux étayés par une lecture de tutoriels ou guides véritablement conçu pour la plupart des utilisateurs.
Mention spéciale pour l'AIS de chez ICOM, interfacé à la centrale NKE, ses indications sont relayés sur le cadran à la barre ainsi que dans "Scannav".
Enfin les anciens regrettent les cadrans de vent type "Brookes & Gatehouse" pour avoir en un coup d'œil immédiat la situation "éolienne"... les écrans multifonctions n'étant jamais réglés sur le renseignement qu'ils souhaitent ... , voire des répétiteurs permanents à l'intérieur du carré .... le confort appelle le confort !
La plomberie:
Les clarinettes de l'ensemble des circuits sont parfaitement accessibles depuis les toilettes avant. Certaines vannes des WC sont restées "récalcitrantes", et on passera sous silence les aventures avec le sélecteur de circuit d'évacuation des wc avant. C'est un sujet beaucoup trop sensible entre certains membres à bord !!!
La menuiserie:
Quand on rentre à l'intérieur de "Sir-Ernst" après 2 saisons en Bretagne Nord et en Ecosse, on est frappé par l'état "neuf" des aménagements. Même si nous sommes assez méticuleux, rien n'a bougé ne s'est dégradé ou usé. Et pourtant, nous avons eu notre lot de verres renversés, d'assiettes de risotto qui tapissent les murs du carré, de sauces tomates qui lessivent les planchers et même un baptême mémorable du carré dont en taira; et l'auteur, et les circonstances !!
Du bel ouvrage, nous aurons juste à changer certains loquets de portes de placards.
On ne regrette pas l'option "stamskin" du revêtement des sièges du carré et du dog-house, confortable, facile à nettoyer et solide.
Les espaces de rangement sont très nombreux, le bateau est plus que bien équipé ! Et il reste encore de la place ...
La cabine avant !!!
Pourquoi un paragraphe spécial sur elle ? Ses modifications ont été l'objet d'un véritable feuilleton dont tous les protagonistes se souviennent ! Alors, avons nous fait un bon choix ? Globalement: OUI. L'espace de rangement est exceptionnel, accès, volume, tout est fonctionnel et pratique.
Mais la hauteur des couchettes pourraient être abaissées de 5 à 7 cm, ce qui réparti sur les 2 étages des coffres du dessous, ne ferait pas perdre beaucoup de volume.Les couchettes seraient ainsi plus accessibles car un peu moins hautes.
Le Gaz:
On a tenu 6 mois avec nos 2 bouteilles de propane. Elles ont été changées par 2 bouteilles anglaises en vue de la saison 2016 en Norvège. Bien sur, elles ne sont pas compatibles avec notre système français ! A ce jour, et avec l'aide du chantier, nous nous orientons vers un kit d'adaptation livré par une société britannique.
Dès l'installation réalisée, on fera un petit article. Pour parer d'éventuelles pannes dans le futur, nous avons acheté une petite plaque électrique en secours, vive le 220 vols à bord !
Les aménagements:
On nous demande souvent, au hasard de nos rencontres, ce que nous aimons le plus dans notre Boréal. A égalité avec son comportement marin, le Dog-House apparaît comme étant vraiment un des points les plus positifs. En navigation "humide", le siège du navigateur ne reste jamais inoccupé !
C'est à la fois un espace de veille, de conduite sous pilote, de lecture et de détente. On se demande pourquoi les architectes ne le prévoient pas systématiquement sur tous les bateaux de croisières !
Mention spéciale au carré surélevé, le siège de la banquette séparant le carré de la coursive face à la cuisine est indispensable. Nous avons choisi l'option couchette séparée et décalée dans nos 2 cabines arrières. On manque de recul sur une utilisation de celles ci durant plusieurs jours au large et par temps très agité.
Par contre, il faut être souple pour s'extraire de la couchette superposée la nuit pour ne pas réveiller l'équipier qui dort en dessous ...
Sur "Sir-Ernst" on aime bien faire la cuisine, et on a pu cuisiner par tout les temps. Nous ne sommes pas aussi bien calé que dans une cuisine en "U", et l'espace entre la banquette centrale et la cuisine est trop large pour bien se caler lorsque c'est très agité. On réfléchit à poser des sangles pour se maintenir.
RAS pour les 2 sanitaires ...
Personne ne regrette d'avoir choisi d'installer un mâtereau à l'arrière afin de faciliter les manipulations du moteur hors-bord, en tout cas, nos "dos" l'apprécient !
Conclusion:
Nous l'avons rêvé, et le chantier l'a réalisé ! Notre Boréal n'est pas encore le bateau parfait mais il est le plus proche de cette utopie. Plus nos navigations s'allongent et plus nous sommes satisfaits de notre choix....more and more. La Norvège devrait nous faire compléter notre expérience de semi-hauturière et de nos premières latitudes extrêmes.
Ensuite ce sera l'épreuve du grand large et du sud ... bilan donc à compléter !
novembre 2015