Le Gentleman des Pôles

 

  Son ami Ernest Shakleton, explorateur devenu aventurier par suite de circonstances exceptionnelles, qui lui a remis en 1911 la Patron’s Medal de la Société de géographie de Londres, rappelait qu’il avait « notamment donné une précision beaucoup plus grande aux contours de la terre de Graham et à son extension vers le Sud/Sud-ouest (Terres « Loubet » 1903, et « Fallières » 1909) en même temps qu’à l’archipel côtier qui les borde( Îles Palmer et Biscoe au sud des Shetlands du sud) », insistant sur la qualité reconnue des travaux de Jean-Baptiste Charcot , « le Commandant », et stigmatisant ses qualités marines et d’exploration, comme le sérieux du travail de son récipiendaire .

  Écrivant en 1910 au retour de son deuxième hivernage à bord du Pourquoi-Pas au « Prince navigateur », ALBERT 1er de Monaco ( accessoirement fondateur, entre autres, de l’Institut Océanographique rue saint Jacques à Paris ) il dévoilait discrètement sa pensée : «  nos résultats paraîtront mesquins à côtés des beaux exploits de Shakleton ( arrivé en 1907 à 100 Miles du pole sud ), cependant j’ai conscience que nous avons fait beaucoup , bien que j’eusse rêvé quelque chose de plus sensationnel pour mon pays »

  Il faut dire qu’à cette époque personne ne savait si ces terres qui semblaient prolonger la Cordillère des Andes étaient rattachées au continent Arctique, le sixième continent, ou était une île ou un rassemblement d’îles juste avant la « Terra Incognita ».

  Il a même fallu attendre 1937 pour qu’un aviateur du nom de Rymill arrive à prouver que l’on ne pouvait pas passer de l’océan glacial à la mer de Weddell et que ces terres devaient être qualifiées de péninsule.

  Toujours est-il que Jean-Baptiste avait fait construire son premier Pourquoi-Pas en 1893 ... Pour régater sur la côte Normande, et en vint à se prendre de passion pour de véritables explorations scientifiques maritimes où il a pris une place prépondérante dans les grands noms de la marine française dans la recherche et la connaissances des cotes et des territoires glacés, dans la tradition des de Blosseville (au Groenland), Dumont D’Urville ( chère Adélie !) , et Paul Emile Victor, qui a commencé sa carrière au Groenland grâce au « Commandant » Charcot.

  Il s’interrogeait en ces termes dans son journal de bord après une ascension de l’île Doumer en baie Marguerite :

« D’où vient donc l’étrange attirance de ces régions polaires, si puissantes, si tenaces, qu’après en être revenu, on oublie les fatigues, morales et physiques, pour ne songer qu’à retourner vers elles ? D’où vient le charme inouï de ces contrées pourtant désertes et terrifiantes ? Est-ce le plaisir de l’inconnue, la griserie de la lutte et de l’effort pour y parvenir et y vivre, l’orgueil de tenter et de faire ce que d’autres ne font pas, la douceur d’être loin des petitesses et des mesquineries ? Un peu de tout cela mais autre chose aussi ... »

 C’est ce qui a permis à ces explorateurs du début du 20ème siècle d’ouvrir la voie et de pointer leur étrave là où les cartes n’existaient pas et d’aller mouiller là où personne ne s’était aventuré avant eux.

 C’est le même sentiment qui pousse notre Sir Ernst à y retourner après ses deux premiers séjours de 2018.

 Nous le ressentions, il l’exprime si densément !

 Avec un nouvel équipage, accompagné de certains équipiers précédents du Grand Sud, Sir Ernst se prépare à retourner vers les Mers les plus australes pour aller jusqu’en Baie Marguerite par 68 degrés sud, trois cent mille au sud de son point extrême méridional auprès de la base Vernadsky qui avait accueilli si chaleureusement son équipage en janvier 2018.

 Les amarres se tendent et le rêve se poursuit maintenant sur les traces du « Polar Gentleman », surnom donné à Jean-Baptiste Charcot par l’explorateur Robert Scott, excusez du peu !

 

 Jean-Michel juin 2021